La pensée végétale
in Le travail d’Isabelle Marcelin – Février 2014
Il y a des herbes dites mauvaises car nous envahissent. Elles sont comme les pensées qui s’accrochent à notre esprit et se développent sans que l’on puisse s’en défaire. Elles se ramifient, se transforment, s’hybrident et bientôt dessinent des chemins plus proches de nos organes que des végétaux.
Le dessin des encres de Isabelle Marcelin suit cette lente métamorphose de ces noires trainées et inscrit ainsi la cartes de nos noires envies et inquiétudes, superposant inlassablement celles ci pour les enfouir dans ses méandres et l’épaisseur de leur foisonnement.
Dans les cocons, déjà, la trace rapide et obsessionnelle s’agrège sur elle même pour former cette forme de cavité qui apparaît lorsque l’on prend du recul. Comme l’esprit tourne autour d’une intuition sans parvenir à l’atteindre.
Contrairement aux apparences premières, il ne s’agit pas ici de représenter le végétal mais bien de trouver en soi ce mouvement, cette intention, presque, que le végétal emprunte. Que ce soit en lentes et minuscules ramifications, en tranchantes mais souples algues, en buissonnantes épines ou en vertigineuses spires. Et si tout ceci n’était autre chose que notre processus mental, la figuration des mouvements et des objets attachés à notre pensée. Alors, celle ci peut aussi se représenter en laissant le dessin la tracer. Et c’est en fermant les yeux que les images souvenirs tracent leurs lignes sur le papier. Et ces formes organiques, anatomiques sont devenues elles aussi des chimères qui se développent en empruntant la grammaire du végétal.
Le corps bourgeonne comme une pensée. Buissonnant, se ramifiant, s’envahissant se superposant pour devenir la représentation de celle-ci.
Didier Payen
S’enchevêtrer, décembre 2014
Invasions sympathiques, mai 2013
